Érigée aux alentours de 300 de notre ère sur les fondations d’une occupation plus ancienne, la cité de Tiahuanaco s’est développée et a rayonné pendant près de 800 ans. Bien plus tard, après la chute du pouvoir dont elle symbolisait la puissance, les Incas reprirent son modèle et l’intégrèrent dans leur nouvel empire.
D’après la légende, c’est en découvrant l’architecture de Tiahuanaco que l’Inca aurait imaginé la technique de construction en blocs emboîtés caractéristique des bâtiments de l’époque inca. Ce serait également aux Incas que l’on doit le nom même du site de Tiahuanaco.
Lors de leurs conquête de la région, un messager serait venu jusqu’au site à la rencontre de l’Inca avec une nouvelle importante provenant de la ville de Cuzco. Fatigué par sa course et n’arrivant plus à reprendre son souffle, l’Inca aurait alors ordonné au messager de s’asseoir, lui qui, « avait couru comme un guanaco » (une des espèces locales de camélidés, cousin d u lama). De cet épisode rappelant la bataille de Marathon, et à la suite de quelques déformations, le nom du lieu serait resté sous la forme de « Tiahuanaco ».
Le cœur monumental des édifices
Bâtis en terre et en pierre, les pyramides et édifices monumentaux encore en élévation sur l’Altiplano donnent toute la mesure des connaissances acquises par les civilisations préhistoriques et de leur niveau d’organisation. Car seule une société parfaitement structurée pouvait être en mesure d’élever de tels monuments à la gloire de ses dieux et de ses dirigeants, capables de résister au passage du temps.
Dans ce monde où l’empreinte de su sacré est partout, chaque élément de construction porte à sa surface, sculptés dans la pierre, des motifs et des images faisant de l’édifice la véritable demeure terrestre du divin. Ce sont parfois des monolithes de plusieurs tonnes, parfaitement taillés, qui constituent les murs, les sols et les entrées, des structures. Des agrafes métalliques insérées directement dans la pierre, permettaient de joindre les différents éléments sans l’aide de mortier ou de ciment, tout en donnant à l’édifice la solidité nécessaire pour résister aux tremblements de terre, fréquents dans cette région des Andes.
Une culture de la pierre
Parmi le riche panel des vestiges de la culture Tihuanaco qui nous sont parvenus à la suite de fouilles archéologiques ou lors de découvertes fortuites, les nombreuses sculptures en constituent les pièces majeures. Exécutées de main de maître à partir d’un seul bloc d’andésite – une roche volcanique extrêmement résistante-, elles figurent des personnages à la posture solennelle. Représentés debout, selon une convention stylistique très géométrique, ils ornaient autrefois les façades des temples et l’intérieur des cours excavées.
Chaque personnage tient dans ses mains les deux ustensiles liturgiques principaux du culte ; un gobelet évasé servant aux libations de chica (une bière de maïs fermenté offert en offrande aux divinités) et une tablette de bois utilisée par les prêtres pour l’absorption de psychotropes lors des rituels. À la surface de ces colosses sont gravés une multitude de motifs et de symboles; véritable langage iconographique habillant le personnage. Le plus bel exemple de la statuaire Tiahuanaco connu à ce jour a été réalisé à partir d’un seul bloc de grès rouge et mesure près de 7 m de hauteur.
Les premiers pas vers la fondation d’un empire territorial andin
De ce noyau, héritier d’une très longue tradition andine, se diffusera le pouvoir Tiahuanaco sur une bonne partie de l’Amérique du Sud. Des colonies seront créées dans d’autres régions, hors de l’ Altiplano, des relais du pouvoir étendront son influence et propageront son idéologie et les motifs associés. Progressivement et afin d’accéder à une grande variété de produits et de ressources, ce premier empire descendra des Andes pour se déployer sur les côtes littorales de l’océan Pacifique. Les Incas réutiliseront par la suite ce même modèle, quelque 300 ans plus tard.
Le mythe de création inca
Les Incas n’étaient visiblement pas ignorants de cet antique pouvoir de Tihuanaco et de leur héritage. Ce n’est vraisemblablement pas une coïncidence si l’acte de cosmogénèse dans le mythe de création inca prend place justement dans le bassin du lac Titicaca, et tout particulièrement dans la cité de Tiuhanaco.
Dans les premiers temps du monde, nous raconte l’histoire, la Terre vit se succéder plusieurs humanités, chacune étant plus aboutie que la précédente. Mais, mécontent de leur comportement et de leur attitude envers les divinités, le dieu Viracocha prit la décision de les punir et de purifier le monde en détruisant toutes les espèces vivant à sa surface.
Lors de ce pachacuti ( littéralement « retournement du monde »), la terre se retrouva complètement engloutie par la montée des eaux de l’océan Mama Qocha. Au même moment, tous les habitants de Tiahuanaco furent instantanément transformés en statues de pierre, figés dans leur dernière posture, avec les habits qu’ils portaient.
Ce n’est que bien plus tard, une fois les eaux retirées et le terres de nouveau émergées, que le dieu Viracocha choisit de s’installer dans les ruines de l’antique cité pour créer et organiser un nouveau monde. Des îles de lac Titicaca où ils s’étaient réfugiés, sortirent à son appel le Soleil et la Lune, que Viracocha plaça dans le ciel. Puis, à partir de terre, de pierre ou de bois, le dieu créa une nouvelle humanité et les différents groupes qui la composaient.
Il leur donna leurs règles, leur langage, leurs ressources et leur identité, puis il leur ordonna de voyager sous terre jusqu’à la région qui leur était destinée. Une fois la Terre repeuplée depuis ce centre du monde qu’était devenue Tihuanaco, la divinité ordonna aux astres divins d’engendrer un nouveau groupe destiné à régner sur le monde. Ce nouveau pouvoir, mené par l’Inca Manco Capac et sa sœur-épouse Mama Ocllo, entreprit à son tour un périple souterrain qui devait les mener des ruines majestueuses de Tihuanaco jusque dans une vallée où sera fondée la capitale de l’empire émergent, la ville inca de Cuzco.
Aujourd’hui, la cité de Tiahuanaco est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elle attire de nombreux visiteurs du monde entier, fascinés par son histoire ancienne et son architecture impressionnante. Les archéologues continuent également d’étudier le site, cherchant à percer les mystères de cette civilisation perdue.
En conclusion, la cité de Tiahuanaco est un témoignage fascinant de la puissance et du rayonnement d’une ancienne civilisation pré-incaïque. Sa construction et son développement pendant près de 800 ans en font un site archéologique d’une grande importance. Les influences de Tiahuanaco se sont propagées bien au-delà de sa propre période, influençant les cultures qui lui ont succédé, notamment les Incas. Aujourd’hui, la cité de Tiahuanaco continue de captiver les visiteurs du monde entier, qui viennent admirer son architecture monumentale et découvrir les secrets de son passé.